Introduction
ORIGINE DE L'INTERPRÉTATION
L'utilisation du terme, puis l'affirmation et le développement du concept d'interprétation sont intimement liés à l'histoire des parcs nationaux américains. On comprendra facilement les raisons de cette origine si l'on pense à l'ancienneté du développement des parcs aux Etats-Unis d'une part (fin XIX - début XXe siècle) et d'autre part à l'importance exceptionnelle qu'ils occupent depuis plusieurs décennies dans la vie sociale et dans les valeurs culturelles américaines (plus de 100 millions de visiteurs par an).
Car ces parcs nationaux furent définis dès l'origine, non seulement comme un vaste projet de préservation mais aussi comme le moyen d'inspirer aux citoyens américains la compréhension de leur patrimoine naturel et la révérence envers lui, peut être comme "compensation" à l'urbanisation rapide et au bouleversement que connaisssait la plus grande partie du territoire des Etats-Unis.
Le mot "interprétation" s'est introduit subrepticement dans le langage professionnel des parcs américains et d'une manière tout à fait concrète. Très tôt l'usage s'établit en effet d'appeler "interprètes" le personnel qui était chargé de guider les visites de groupes ou d'animer des veillées autour des feux de camp. Sans doute parce qu'il était dans leur mission d'aider les visiteurs à comprendre ce qu'ils regardaient sans toujours bien le voir (1) un peu comme l'interprète permet de comprendre les paroles prononcées dans une langue étrangère. Les services qui organisaient ces activités, par voie de conséquence, ont été appelés "services de l'interprétation". Et comme ils s'occupaient également d'autres formes de communication avec le public, "l'interprétation" en est venue à couvrir toutes les activités : expositions des bords des routes du centres d' information) livres, brochures, cartes, sentiers-nature avec plaquette, cinéma et projections de diapositives .....
L'usage du mot a donc précédé toute formulation conceptuelle. Dans les documents officiels, le terme "éducation" à longtemps continué a être utilisé. A la fin des années vingt l'dministration fédérale des parcs nationaux mit en place un "conseil consultatif sur les activités éducatives". Elle publie en 1932 une brochure intitulée "Recherche et Education dans les Parcs Nationaux" dont les recommandations sont inspirées, dans leurs grandes lignes, par ce qui sera définie plus tard comme étant la philosophie de "l'interprétation".
Un homme, Freeman Tilden, a joué un rôle déterminant pour affirmer la notion d'interprétation et la distinguer, dans une large mesure du concept d'éducation auquel chacun se référait jusqu'alors, en publiant en 1957 un ouvrage intitulé "l'Interprétation de notre Patrimoine" (interpreting our heritage). Tilden n'était pas lui même un praticien, mais il connaissait intimement les parcs nationaux pour avoir conduit auprès d'eux et auprès d'autres institutions similaires une étude approfondie pendant plusieurs années.
Notons sans plus tarder que le service Fédéral des Parcs nationaux aux Etats-Unis gère non seulement des espaces naturels mais aussi les plus grands sites prénistoriques (Mesa Verde, Canyon de Chelly ... ) ou historiques (champs de bataille de la guerre de sécession, domaines historiques ... ). Dans ce creuset unique, un concept unique a pu s'élaborer, applicable aussi bien au Patrimoine naturel qu'au Patrimoine historique. "L'interprétation est l'interprétation quel que soit le lieu et quel que soit le moment ... La nature de ce qui est montré ou révélé est de peu d'importance". C'est une donnée de départ importante.
Dans la préface de la troisième édition de "Interpreting our Heritage", datée de 1976, un Directeur du Service National des Parcs écrit : "Si ce livre avait porté sur la technique ou sur les méthodologies de l'interprétation il serait devenu obsolète depuis longtemps ... Mais F. Tilden a traité des principes de bases et de la philosophie qui sous-tend l'art et le métier d'interprète ... Il a profondément marqué le mouvement de conservation du patrimoine en Amérique ... "Interpreting our Heritage" est devenu un classique reconnu de la littérature consacrée à la politique et à l'aménagement des parcs, lu et relu par les étudiants et les praticiens. Son message demeure aussi frais qu'au premier jour ...
"Interpréting our Heritage" n'est pas la Bible en matière d'interprétation. D'autres auteurs ou praticiens en ont une approche sensiblement différente. Cependant cet ouvrage a un souffle et une richesse d'inspiration exceptionnels.
C'est pourquoi la première partie de cet essai sera consacré à la présentation des principes de base de l'interprétation selon F. Tilden.
Une deuxième partie de caractère plus technique, présentera la méthodologie des "plans d'interprétation", qui est couramment pratiquée dans les pays anglo-saxons ainsi qu'au Quebec.
C'est en effet un des principaux aboutissement, des recherches théoriques et pratiques sur l'interprétation qui se sont développées dans ces pays depuis une vingtaine d'années.
(1)Ou peut être plus simplement, parce qu'il s'agissait de traduire les concepts scientifiques dans la langue des visiteurs.
N.B. :
Bien qu'il soit d'origine française et proche somme toute de son sens courant dans notre langue, le mot interprétation n'est pas utilisé en France pour le moment. Seul Georges Henri Rivière, dans sa définition des écomusés (1980) l'a délibérément employé. En lieu et place sont utilisés six ou sept vocables différents un peu au petit bonheur la chance : information, animation, vulgarisation, communication, éducation à l'environnement, pédagogie de l'environnement, initiation à l'environnement . . . Chacun exprlme une partie de la notion "d'interpritation" sans jamais la recouvrir exactement. Aux Etats-Unis et au Canada, les termes "Education à l'environnement" ou "Pédagogie de l'environnement" sont normalement réservés, pour éviter les malentendus, aux activités en direction des jeunes en situation "scolaire".
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